Avant le coup de cœur : Pourquoi s’interroger sur les inconvénients ?

Adopter un chiot reste, dans l’imaginaire collectif, une expérience attendrissante, pleine de promesses et de complicité. Instagram et les publicités nous vendent des boules de poils parfaites, dorlotées sur des canapés immaculés. Pourtant, dans la vie réelle, accueillir un chiot bouleverse profondément le quotidien. Prendre le temps de s’interroger sur les inconvénients – avant la prise de décision – permet d’éviter de sérieuses désillusions, et, plus grave encore, d’éviter les abandons. Selon la SPA, près de 16 000 chiens sont abandonnés chaque été en France, beaucoup étant encore très jeunes. Derrière ce chiffre, il y a souvent un manque d’anticipation sur ce que représente la vie avec un chiot (SPA).

L’investissement de temps : la réalité derrière l’image du chiot sage

Un chiot n’est pas un meuble ni un jouet qu’on pose et qu’on laisse agir. Les premières semaines, il représente un engagement qui bouleverse – vraiment – l’organisation d’une maison :

  • La propreté : Un chiot ne contrôle pas ses sphincters avant au moins 3 à 5 mois. Il faut compter entre 5 et 12 sorties quotidiennes à 1h-1h30 d’intervalle, y compris la nuit, pour qu’il apprenne à se retenir dehors. Selon une étude britannique, il faut en moyenne 4 à 6 semaines à un chiot pour acquérir la propreté (source : PDSA UK).
  • L’apprentissage des règles : Il découvre tout, teste tout… et les petits accidents (câbles rongés, chaussures mâchouillées, croisements avec la poubelle) sont quasi-systématiques si on ne supervise pas. Anticiper, sécuriser et intervenir demande une vigilance de tous les instants.
  • L’énergie à canaliser : Un chiot a besoin de 14 à 18 heures de sommeil par jour, mais aussi de plusieurs séquences de jeu, d’exploration (supervisées), de mini-séances éducatives. Ce rythme demande de l’adaptation et de la flexibilité dans ses journées.

Pour un adulte actif, il faut souvent s’organiser : retours à midi, solliciter des proches, voire organiser un passage de pet-sitter. Adopter un chiot, c’est accepter de mettre certains loisirs et routines en pause, au moins le temps de sa jeunesse.

Finance : les coûts cachés d’une adoption

Beaucoup de futurs adoptants anticipent le prix d’achat d’un chiot (variant de 0 à plus de 2200€ en France selon la race, source : Le Monde), mais oublient souvent les frais annexes, parfois plus conséquents :

  • Frais vétérinaires initiaux : Primo-vaccinations, vermifuge, identification, stérilisation. Un calendrier dense dès les premiers mois (Santévet).
  • Dépenses courantes : Croquettes adaptées (15 à 70€/mois pour un chiot selon sa taille), accessoires de qualité (laisses, harnais, jouets résistants, barrières de sécurité…).
  • Éducation et socialisation : Cours collectifs, séances individuelles, transports… Un forfait d’éducation peut s’élever de 100 à 500€, selon la région et la fréquence (France Compétences).
  • Dégâts matériels : Même avec une prévention optimale, il arrive qu’un canapé, un tapis ou un volet y passe, parfois en quelques minutes d’inattention.

Et si des soucis de santé surviennent (maladie congénitale, accident), une assurance ne couvre pas l’intégralité des frais, et les soins vétérinaires ont fortement augmenté : +56% en dix ans d’après l’UFC-Que Choisir (2023).

La patience mise à rude épreuve : crises, bêtises et frustrations

Adopter un chiot, c’est accepter de vivre une succession de petits (et parfois gros) débordements. Cela fait appel à une patience nouvelle, même chez les personnes posées. Quelques exemples concrets :

  1. Mordillements et excitation : Jusqu’à 8/10 mois, le chiot découvre le monde avec sa gueule. Il pince, mordille, « goûte » les mains, meubles, tissus. C’est normal… mais désarmant, surtout avec des enfants.
  2. Aboiements et émotions : Il vocalise, exprime la frustration quand on s’absente ou qu’il ne comprend pas. Certains chiots traversent des « crises d’adolescence » dès 4-5 mois, phase pendant laquelle ils semblent ignorer tout ce qu’ils ont appris.
  3. Solitude difficile : Un chiot supporte mal de rester seul. Les premières absences doivent être travaillées front, très progressivement. Sans ce travail, on expose le chiot (et le voisinage) à de l’anxiété de séparation potentiellement durable (Applied Animal Behaviour Science).

Chacun de ces points demande du temps, du recul, et parfois une bonne dose d’humour. Accepter qu’il n’y ait pas de « chiot parfait » permet de vivre plus sereinement cette période de transition.

L’impact sur la vie sociale, professionnelle et familiale

L’arrivée d’un chiot impacte, parfois lourdement, la dynamique du foyer et le lien aux autres :

  • Vacances et déplacements : Finies les improvisations : il faut anticiper, choisir des hébergements « dog-friendly » ou organiser une garde sérieuse.
  • Adaptation à la famille : Les enfants doivent apprendre à interagir sans excès d’excitation, sous surveillance constante. Les autres animaux (chats, chiens seniors) peuvent mettre du temps à accepter l’intrus… ou ne jamais s’y faire.
  • Conciliation travail/chiot : Si on travaille à plein temps à l’extérieur, il devient très compliqué de garantir le bien-être d’un chiot seul 8 à 10 heures d’affilée. Selon la Fondation 30 Millions d’Amis, cela majore fortement le risque d’abandon.

Ces adaptations exigent du dialogue, des compromis, parfois la remise à plat de certaines habitudes. Adopter un chiot, ce n’est pas simplement ajouter un « membre » de plus, c’est redéfinir toute la dynamique familiale autour de ses besoins spécifiques.

Santé mentale et fatigue : un défi sous-estimé

S’occuper d’un chiot, c’est parfois se lever plusieurs fois par nuit, gérer des frustrations régulières (fugues, accidents, pleurs) et absorber la charge mentale des rendez-vous vétérinaires, éducatifs, etc. Plusieurs études (source : BBC, 2017) dressent des parallèles entre l’arrivée d’un chiot et le « baby blues ». Certains adoptants, surtout ceux isolés ou manquant de soutien familial, peuvent se sentir dépassés, voire culpabiliser de ne pas « y arriver ». Accepter ce risque, et chercher du soutien si besoin (clubs, groupes, éducateurs canins), fait partie de la démarche responsable.

Un nombre non négligeable d’adoptants consultent pour du stress lié à la gestion du chiot sur les premiers mois. Selon une enquête menée par The Kennel Club (Royaume-Uni), 21% des propriétaires de chiots avouent s’être sentis parfois « extrêmement stressés » les six premiers mois.

Impact durable : les erreurs d’éducation de la toute petite enfance

Les premiers mois de vie du chiot façonnent son futur comportement d’adulte. Manquer cette période sensible – c’est-à-dire mal socialiser, gronder au mauvais moment, laisser des peurs s’installer, ou être trop laxiste puis trop strict plus tard – peut générer des troubles comportementaux sur la durée :

  • Agressivité par peur : un chiot non socialisé ou puni brutalement développe des comportements défensifs, parfois irréversibles.
  • Anxiété de séparation : Si l’apprentissage de l’absence et du repos seul n’est pas progressif et accompagné, des troubles anxieux sévères peuvent émerger, menant parfois à l’abandon adulte.
  • Problèmes de destruction, phobies, aboiements intempestifs : Toutes les expériences de la première année laissent une empreinte profonde.

Un chiot n’est pas une page blanche mais il est matière tendre : la manière dont on façonne ses semaines d’introduction à la vie de famille a un impact pour les dix à quinze ans qui suivent. D’où l’importance d’être prêt à investir réellement, et sur la durée, dans son éducation.

Enjeux éthiques et responsabilité : choisir la bonne motivation

Adopter un chiot, c’est aussi assumer une responsabilité envers l’animal et la société :

  • Adoption réfléchie : Les associations soulignent qu’un grand nombre de chiots « craquants » sont abandonnés à l’adolescence, quand leur énergie déborde ou qu’ils ne correspondent pas à l’image projetée.
  • Origine des animaux : Acheter un chiot sur internet ou dans un salon expose à des trafics, de la maltraitance, des maladies (source : francetvinfo.fr). Les chiots bien élevés, socialisés, issus d’éleveurs sérieux ou issus d’associations, sont plus chers… mais plus équilibrés et moins à risque de problèmes comportementaux.

Un choix de cœur ne doit jamais occulter la réalité. Si le rythme, le budget ou les besoins familiaux n’offrent pas la disponibilité nécessaire, il vaut mieux différer l’adoption, ou envisager d’accueillir un chien adulte, parfois plus adapté à certains modes de vie.

Chien adulte vs chiot : pistes à envisager

Adopter un chien adulte, ou un senior, c’est aussi donner une chance à un animal déjà éduqué, dont le tempérament est connu. Cela n’exonère pas des efforts, mais évite bien des inconvénients liés à la très jeune enfance : journées plus prévisibles, tempéremment stabilisé, propreté acquise, moins de bêtises. C’est un parcours moins « Instagram », mais souvent plus serein, notamment pour les primo-adoptants, les familles très actives ou les personnes âgées.

D’autres manières de partager la vie d’un chien

Pour finir, rappelons qu’il existe d’autres options afin de profiter de la présence canine sans assumer directement tous les inconvénients : accueil temporaire, bénévolat en refuge, cofamille, balades en clubs. Autant de façons de mesurer l’impact d’un engagement avant de se lancer pour quinze ans aux côtés d’un chiot.

Bien peser les inconvénients d’une adoption, loin d’être du pessimisme, permet d’éviter les écueils les plus prévisibles. C’est, au final, un acte de loyauté et de respect envers l’animal, sa famille… et soi-même.

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