Adopter un chien adulte, pourquoi ce choix séduit… et interroge

Le coup de cœur pour un chien à sauver, l’envie d’offrir une seconde chance à un animal qui a déjà vécu : adopter un adulte est un geste généreux qui séduit de plus en plus. En 2022, plus de 44 000 chiens ont été adoptés dans des refuges SPA en France (SPA). Parmi eux, une majorité sont âgés de plus de 2 ans. Pourtant, derrière cette belle intention, se cachent des défis parfois insoupçonnés. Certains futurs adoptants, dans leur élan, omettent de se pencher sur les inconvénients spécifiques liés à l’accueil d’un chien adulte. Il ne s’agit pas ici de décourager quiconque, mais d’informer pour mieux anticiper, éviter les déconvenues et construire, dès le début, une relation solide et épanouie.

Un passé inconnu... ou déjà bien chargé : l’impact du vécu

C’est la grande inconnue : un chien adulte, sauf exceptions (lorsqu’il s’agit d’une réadoption suite à un changement familial, par exemple), porte en lui un vécu dont on ne sait pas toujours tout. Ce passé influence souvent profondément son comportement.

  • Des expériences malheureuses : la maltraitance, la négligence, l’errance ou même de simples traumatismes passagers (abandon, séparation) peuvent laisser des séquelles durables : méfiance envers les humains, réactivité excessive, peurs inexpliquées… Selon l’ENVA (Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort), plus de 30% des chiens adultes issus de refuges présentent les signes d’au moins un trouble anxieux à leur arrivée.
  • Des habitudes (parfois tenaces) : habitudes de propreté, manies alimentaires, jeux parfois inconnus ou inexistants, gestuelle de communication propre à chaque foyer précédent… Il n’est pas rare qu’un chien adulte ignore littéralement certaines bases que l’on attend de lui au quotidien.

La clé : prévoir une période d’observation sans attente irréaliste. L’idéal est de privilégier une rencontre préalable, autant de fois que possible, avant l’adoption, en variant les lieux et les situations.

Le défi de l’adaptation : patience et temps au cœur de la réussite

Un chien adulte doit souvent tout réapprendre : nouveau foyer, odorat inconnu, autres animaux parfois, rythmes de vie différents… Cette transition ne se fait pas en quelques jours, malgré la croyance répandue qu’un chien adulte « comprend tout de suite ». La SPA indique qu’il faut compter, en moyenne, entre 3 semaines et 4 mois pour observer une réelle adaptation comportementale (Agir pour l’Adoption).

  • Peur ou repli : Certains chiens refusent tout contact, se cachent sous les meubles ou mettent plusieurs jours à toucher leur gamelle.
  • Excès d’enthousiasme : À l’inverse, il arrive qu’un chien adulte déborde d’énergie, saute sur ses humains, grimpe sur les canapés, par besoin de déstresser… au risque de bousculer tout le foyer.
  • Période dite « de lune de miel » : Environ un tiers des chiens fraîchement adoptés se montrent « parfaits » les premiers temps… avant de voir réapparaître d’anciens comportements. Cette phase de latence peut durer de quelques jours à plusieurs semaines (étude ASPCA, 2021).

Un bon réflexe : installer une routine stable dès l’arrivée, avec des temps calmes, des séquences de promenade régulières et un coin-repas bien défini.

Education : fausses croyances et vrais obstacles

On imagine souvent qu’éduquer un adulte est mission impossible ou, au contraire, qu’« un vieux chien n’a rien à apprendre ». La vérité est nuancée.

Des apprentissages plus lents, mais possibles

  • Propreté : Certains adultes n’ont jamais vécu en intérieur ou été éduqués à la propreté. Le rythme d’acquisition est souvent plus long que chez un chiot, surtout en cas de stress ou de mauvaise expérience de l’apprentissage.
  • Rappels et ordres de base : Si le chien a été livré à lui-même, certains ordres peuvent être totalement inconnus ou associés, à tort, à des situations déplaisantes (cris, punitions…)
  • Désapprentissage : Les mauvaises habitudes (sauter sur les gens, tirer en laisse, aboyer sans raison…) sont ancrées. Il ne s’agit pas d’un défaut de compréhension, mais souvent d’une stratégie longtemps payante pour le chien.

La patience, l’absence de punition, et l’usage du renforcement positif sont encore plus essentiels que pour l’éducation d’un chiot. L’accompagnement individuel d’un éducateur, ponctuel ou sur plusieurs semaines, constitue souvent un vrai plus.

Santé : le poids des années et des incertitudes

Un adulte n’a pas le « capital santé » d’un chiot sorti d’un élevage rigoureux : certains troubles sont parfois déjà installés à l’adoption, ou les premiers symptômes apparaissent peu après.

  • Maladies chroniques : Arthrose, maladies cardiaques, parodontopathies (maladies des gencives, fréquentes chez les chiens de 5 ans et plus selon l’AFVAC), allergies cutanées ou alimentaires… Les visites vétérinaires peuvent devenir régulières.
  • Mystère sur l’hérédité : Sauf à disposer du carnet d’origine, il reste impossible de savoir précisément quels risques génétiques pèsent sur le chien (dysplasie, troubles oculaires…)
  • Vaccinations et antiparasitaires : Les rappels ne sont pas toujours à jour, et une mise à niveau est parfois indispensable à l’arrivée.
  • Santé comportementale : Le stress chronique chez certains adultes mine la santé générale et nécessite un accompagnement vétérinaire ou comportemental adapté.

Le coût vétérinaire peut s’avérer rapidement supérieur à l’adoption d’un chiot. Selon SantéVet, le panier annuel moyen pour un chien adulte adopté en refuge atteint 710€/an, hors imprévus.

Compatibilité familiale et cohabitation : des ajustements parfois complexes

Si l’arrivée d’un chiot permet de façonner progressivement sa socialisation, celle d’un adulte suppose bien plus d’adaptation de la part de la famille. Les points de vigilance les plus fréquents :

  • Enfants : Certains chiens adultes n’ont jamais connu les enfants ou, au contraire, ont une mauvaise expérience. Des tests en présence d’enfants sont indispensables avant l’adoption.
  • Chats et animaux déjà présents : De nombreux adultes n’ont pas été socialisés aux autres animaux du foyer. Des rencontres progressives et sécurisées sont absolument nécessaires.
  • Changements de rythme : Un adulte habitué à un environnement calme peut être anxieux dans un foyer animé, a fortiori en cas de déménagement ou de changements répétés de repères.

N’oublions pas les absences : un chien adulte mal préparé à la solitude (abandon, anxiété de séparation…) peut déclencher des destructions, des vocalises, ou, plus rarement, des malpropretés.

Attachement : rebâtir une confiance abîmée

L’attachement ne se décrète pas – il se reconstruit jour après jour. Un point particulièrement vrai chez les chiens adultes ayant subi un ou plusieurs abandons. On sait aujourd’hui, grâce à l’Université de Bristols, qu’un chien adulte met parfois plus de 6 mois à créer un véritable lien d’attachement sécure avec son nouveau foyer, contre quelques semaines pour un chiot élevé dans une famille unique.

  • Distance affective (le chien reste figé, ne recherche pas le contact, joue peu…)
  • Hyper-attachement (le chien devient « pot de colle », au risque de développer de l’anxiété d’abandon)
  • Alternance : Certains adultes alternent des phases de rapprochement et d’évitement, testant la « fiabilité » du lien que la famille tisse avec eux.

Un environnement prévisible, des encouragements sans brusquerie, et, surtout, une acceptation de son propre rythme sont capitaux. Les attentes de retour immédiat d’affection sont souvent déçues au début : mieux vaut voir la progression comme une série de petites victoires partagées.

Les difficultés logistiques à anticiper

  • Transport et déplacements : Certains adultes n’ont jamais pris la voiture ou, au contraire, ont été abandonnés en véhicule – ce qui peut engendrer des phobies développementales. La patience et la progressivité sont alors indispensables pour chaque déplacement, même court.
  • Matériel à adapter : Harnais anti-traction, muselière temporaire, voire barrières de sécurité sont parfois indispensables au début. À prévoir dans le budget dès l’arrivée.
  • Gestion des absences : Plus qu’un chiot, le chien adulte supporte parfois mal la solitude, notamment dans les premières semaines après l’adoption.

Quels profils d’adoptants pour quels chiens ? S’interroger pour mieux choisir

Adopter un chien adulte n’est ni « plus simple » ni « plus difficile » que d’accueillir un chiot, mais il est crucial d’être lucide sur les besoins et les ressources (temps, patience, capacité à se faire accompagner) dont dispose chaque adoptant potentiel. Les associations conseillent souvent aux primo-adoptants vivant avec de jeunes enfants ou plusieurs animaux de préférer un chien adulte à l’histoire connue ou récemment confié par sa famille d’origine (source : SPA). Les seniors, ou familles très actives peuvent également rencontrer d’excellentes réussites en offrant un foyer à un chien adulte équilibré, tout en gardant en tête l’éventualité de difficultés d’adaptation supérieure.

Surmonter les obstacles : les clés d’une adoption adulte réussie

  • Rencontres préalables et dialogue avec le refuge : Multiplier les occasions de voir le chien avant l’adoption, demander un maximum d’informations sur son passé, ses habitudes, ses réactions à différents stimuli.
  • Accompagnement professionnel : Ne pas hésiter à contacter un éducateur canin spécialisé en comportement, même à la moindre difficulté rencontrée.
  • Routine, sécurité, encouragements : Offrir un cadre stable, sans changements brusques, avec des encouragements constants… et s’autoriser le droit à l’imperfection mutuelle.
  • Tolérance lors des premières semaines : Comprendre que la perfection immédiate est impossible, et que chaque enjeu rencontré aujourd’hui construit la sécurité affective de demain.

Un dernier mot pour les hésitants : l’inconnu comme aventure

Adopter un chien adulte, c’est comme ouvrir un livre dont on n’a pas lu les premiers chapitres. Il y a parfois des surprises, de belles révélations, des difficultés réelles… mais aussi la possibilité de réinventer, d’accompagner et d’apporter une sécurité nouvelle à un compagnon qui en a souvent tant besoin. Bien s’informer, préparer son foyer, s’entourer et s’accorder le temps sont les meilleurs atouts pour transformer l’inconnu en aventure partagée.

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